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LES CRÉATEURS TIRENT LEUR ÉPINGLE DU JEU

Les créateurs - Le Républicain

 

Les jeunes créateurs tentent de se faire une place sur le marché de la mode

Publié dans Panorama, Le Républicain, 19 septembre 2013. 

Beaucoup de créateurs, qu’ils soient ou non autodidactes, ont commencé en créant pour des amis. Avant de se lancer pour de bon dans un monde où « on cherche avant tout à survivre ». Leur point commun, leur passion immodérée pour la mode : celle des grands couturiers, d’antan ou d’ailleurs. La mode des petits créateurs obéit à d’autres trames que celle de la rentabilité. Entre savoir-faire et bonnes affaires, comment travaillent-ils?

A 28 ans, Katia Da Veiga s’est ainsi lancée il y a un an et demi, sans attentes particulières. Son créneau, les headbands, ces accessoires pour cheveux démocratisés par les grandes marques de prêt-à-porter et d’accessoires. Après avoir étudié le marché, elle a élaboré son propre système d’attache et créé sa gamme. Depuis quelques mois, sa petite entreprise est florissante. « J’avance plus vite que d’autres parce je fais quelque chose qu’on ne voit pas partout, j’ai trouvé une niche. »

Le mot est lâché : pour exister dans l’univers impitoyable de la mode, il faut être là où les autres ne sont pas. « Pour nous, rien n’est acquis, nous devons sans cesse nous remettre en question, inventer d’autres choses, contrairement aux grandes marques qui peuvent se permettre de toujours rester sur la même ligne », ajoute Nina, créatrice de Kabatoki, une ligne associant coupes rétro et tissus sénégalais. Ils progressent en marge, loin du formatage des magazines. Et leurs lacunes donnent souvent naissance à de belles innovations.

Eviter d’être noyé dans la masse

Comme tous chefs d’entreprise, les jeunes créateurs doivent impérativement se créer un réseau et adopter une stratégie commerciale. Internet est évidemment un outil incontournable. Certains, comme Katia Da Veiga, ont choisi d’y “installer” leur boutique, d’autres misent dessus pour être plus visibles. Même si c’est à double tranchant. « Finalement, on est noyés dans la masse comme ailleurs. Il faut vraiment y passer beaucoup de temps pour arriver en haut de listes et ce, au détriment de la création, a constaté Fabienne Dimanov, la créatrice de Fabroad, une ligne de vêtements éthiques chics. Autant ne rien faire si c’est pour rester cloîtré dans son atelier. C’est primordial d’être en contact avec d’autres créateurs, des boutiques, des organisateurs… » Les marchés de créateurs sont un bon moyen de se faire connaître, comme le salon essonnien Art’smod (qui se tiendra les 16 et 17 novembre 2013 à Soisy-sur-Seine)…

Et même les professionnels ne jouent pas toujours le jeu. Simone Gaubatz connaît la mode parisienne sur le bout des doigts. Depuis quinze ans, elle met le pied à l’étrier de nombreuses marques en leur ouvrant la porte de sa Galerie Simone pour des boutiques éphémères. Elle est un mentor et un allié de poids, grâce à une liste de contacts longue comme le bras « Je contacte systématiquement plusieurs de mes connaissances, des boutiques de créateurs qui ont pignon sur rue notamment, pour qu’ils viennent jeter un œil. Certains ne font même pas l’effort de se déplacer. Paris a beau être la capitale de la mode, les Parisiens sont des moutons, ils n’ont pas la curiosité que peuvent avoir des professionnels belges, anglais ou encore allemands. Résultat, ce sont toujours les même créateurs qui sont mis en avant. » Les créateurs qui se lancent doivent ainsi être en éveil permanent, choisir scrupuleusement les salons où exposer en fonction de leur cible.

« Ne pas travailler pour 3 € de l’heure »

Car se créer une clientèle relève du défi. « La relation des gens aux vêtements a changé. Avant, on allait chez son tailleur pour se faire habiller. Aujourd’hui, les gens sont méfiants lorsqu’ils ne peuvent pas essayer, ils ont peur d’être déçus, remarque Fabienne Dimanov. Pour la majorité des gens, la mode c’est Kiabi ou H&M, finalement une bonne chose puisqu’ils l’ont démocratisée. Mais ça n’a rien à voir avec moi. Il y a un an, j’ai voulu créer des modèles dans le style de la marque Desigual, en m’alignant sur leurs prix. Je gagnais 3 € de l’heure, j’ai dû renoncer. Notre clientèle est donc avant tout dans une démarche éthique de ras-le-bol de la grande distribution. C’est une erreur de vouloir nous comparer, ça apporte de la confusion pour les clients. »

Les créateurs pâtissent ainsi malgré eux de cette appellation, basiquement associée au luxe et à des tarifs élevés. « C’est vrai que certains pratiquent des prix prohibitifs, souvent parce qu’ils ont eu une petite heure de gloire. Mais la majorité propose des pièces à des tarifs tout à fait accessibles (robes à 120 €, accessoires à 40 €, prix constatés lors de notre enquête, ndlr). Ceux qui font le contraire se décrédibilisent d’entrée », constate Simone Gaubatz.

Une « parenthèse » d’achat

Ils ne doivent tout de même pas se mettre au niveau de la grande distribution. « On ne peut pas se permettre d’avoir de grandes collections, on travaille des pièces uniques ou de toutes petites séries. En ce qui me concerne, je n’ai pratiquement pas de stock. C’est avant tout cela les créateurs : des pièces limitées mais de haute qualité, explique Nina, de Kabatoki. Ils assurent les retouches, transforment parfois les modèles à la demande, c’est du sur-mesure pour lequel ils ne comptent pas leurs heures. Le fait d’être petit et pas connu est a priori un inconvénient. Mais notre atout, c’est d’offrir de l’inédit et c’est ce que les vraies modeuses recherchent. On a cette exclusivité, nos marques ont un visage, le nôtre, on offre du made in France… Là, les grandes marques ne peuvent pas rivaliser. » Elle voit les petits créateurs comme une « parenthèse » dans les habitudes d’achat. « Je ne dis pas qu’il faut y puiser toute sa garde-robe, mais un ou deux achats, comme un investissement. »

Laura Duret

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